Ces cénacles essentiellement masculins écartaient toute présence féminine, ce cloisonnement rigoureux se retrouvant dans toute la Méditerranée.
Au fil du temps on est arrivé à "chambrette" terme ayant une connotation plus affective. Ces lieux de rassemblement ont été également appelé "cercles républicains" mais l'esprit était le même: un lieu de regroupement, certains étant autorisés, les autres seulement tolérés, où les (hommes principalement) provençaux se retrouvaient entre eux.
Cette spécificité masculine a peu à peu disparue et les femmes sont aujourd'hui les bienvenues. Le proverbe : "Ni estoupe près dou fue, ni fremo près de l'ome" (ni l'étoupe près du feu, ni la femme près de l'homme) n'est vraiment plus de mise!
Créée sous la dénomination d'"Amicale de Faucon de Barcelonnette" avec pour objet :
Rapidement elle devenait un centre d'activité qui favorisait les relations et jouait un grand rôle social dans le village.
Laissons Louis Teissier, l'actuel président, nous raconter son histoire.
"Lou Chambroun" ? "Qu'es aco"? (en patois)
la réunion des habitants de la commune en vue de l'augmentation de leurs loisirs et de leur développement culturel.
"Faucon est désormais une des rares petites communes de France à ne pas avoir de commerce, de boutique.
Nous sommes encore nombreux à nous rappeler de mémorables soirées: la blanquette de chevreau à Pâques, quelques lièvres, la valse du père Robert sur un tout petit tonneau placé sur une table, la voix des Chênes par Pierre Arnaud, la pipe toujours humide d'Henri...
Les choses auraient pu durer ainsi...mais... nous sommes en 1948, 1949; les services des contributions montrent les dents et menacent; ce troquet illégal doit fermer ou se mettre en règle avec la législation. On tergiverse; on paie certaines taxes et... mais pas toutes!
La mairie reçoit une mise en demeure; nous sommes en 1950;
Julien Bellon qui vient en vacances à Faucon suggère d'ouvrir une " chambrette" comme les bas alpins l'on fait à Lyon.
Enfin l'autorité de tutelle, la sous préfecture de Barcelonnette accorde le feu vert pour notre association.
Voici le premier bureau: Président : Lucien Teissier, secrétaire: Raymond Martel, trésorier: Emile Jean ,administrateurs: Honoré Lions, Jean Plésent, Jean Arnaud et Henri Manuel.
Le temps a passé; beaucoup ont disparu mais l'oeuvre reste et nous l'apprécions toujours beaucoup.
Après l'achat de la maison Rose par la municipalité Léon Manuel, le cercle s'est installé dans le local qu'il occupe actuellement.
Perrier, bière et jus de fruits ont maintenant remplacé le vin mais la bonne humeur y règne;
Souhaitons que les jeunes et le bureau sachent longtemps encore maintenir ces conditions de bonnes relations et de chaleur humaine qui font la singularité de notre beau village."
Jusqu'à la première guerre mondiale, il y avait une petite épicerie, (maison Teissier Yves, ex propriété Lions) , 2 petits cafés animaient le village : celui tenu par la famille Jaufferd dont on peut encore voir la devanture et l'entrée (maison Edouard Jauffred) et celui de la famille Bellon, (Louise, puis Juliette et Alexandre) ; la façade de ce dernier porte encore la tige qui portait jadis l'enseigne CAFE TABAC.
Le dernier bar, celui de Bellon a fermé ses portes peu après la 2me guerre mondiale ; Monsieur Chelotti tenta sa réouverture durant quelques mois seulement.
Bien vite la population et la municipalité ont mal supporté cette absence de lieu de rencontre!!!
Nos habitants avaient leur vie rythmée par des habitudes : le travail pendant la semaine, la belote le samedi soir, la chopine de petit blanc le dimanche à la sortie de la messe et les parties de cartes accompagnées de gros rouge et coupées par d'amicales discussions.
Où se réunir lorsqu'il fallait s'entretenir d'un sujet qui n'était pas exactement de la compétence de la municipalité qui seule avait accès à la salle de réunions de la mairie?
De leur côté, les deux salles de classe étaient le domaine exclusif du maître et de la maîtresse.
C'est alors que mon oncle et parrain, Louis Teissier demanda au maire, M. Jean Eugène le logement du 2e étage.
L'école occupait le premier étage et la mairie le rez de chaussée. Les frères Locatelli et Honoré achandalaient ce bistro clandestin en vin blanc et rouge qui était la principale boisson ;
quelques bouteilles de sirop et de Cap Corse de la maison Rouit permettaient aux dames ( rares à l'époque à fréquenter les cafés ) et aux enfants de consommer en attendant un père ou un mari.
l'école de Faucon perd une classe, libérant le logement du premier étage avec l'entrée par 4 marches par derrière;
le local est plus accessible à nos vieux qui y venaient avec une canne.
Aimé Vallansan, Raymond Martel consultent la sous préfecture; une équipe se met en place, rédige des statuts.
Un long va et vient s'établit avec l'administration, pièces complémentaires, précisions vont occuper pendant plus d'une année le bureau.
Gérant: Louis Teissier
Eugène Jean a remplacé pendant un an le premier gérant disparu; Gilberte lui a ensuite succédé; Aimé Lions a pris la place du président fondateur lui aussi trop tôt disparu.
Il connaît toujours un intérêt important: il compte une quarantaine de membres;
loin de l'agitation de la vie moderne notre "Chambroun" est un havre de paix et de quiétude sociale.
le cercle est une auberge espagnole : on y trouve ce qu'on y apporte : joies amicales, gaieté, chaleur humaine.
A l'heure actuelle, le "Chambroun" se porte bien. Les membres se retrouvent tous les mercredis de 20h30 à minuit, le dimanche après midi pour disputer des partis acharnées de belote, contrée, moune, scrabble, en se désaltérant de jus de fruits, bières, boissons gazeuses à un modeste prix unique.
Ces consommations sont possibles car Louis Teissier, gérant en 1955, avait acheté une petite licence qui permet aux cercles privés de vendre des boissons sans alcool, du vin et de la bière sans être soumis à la réglementation des débits de boissons.
Des sorties sont organisées toutes les années: colorado provençal, le train de la Mure, Névache, le Vercors, Vernante en Italie, abbaye de Boscodon, Forcalquier...attestent de la vigueur de cette association presque unique car dans les Alpes de Haute Provence, il ne reste que 2 "chambrettes" celle de Faucon et celle de Gaubert près de Digne les bains. Toutes les autres ont disparues, ce qui est bien dommage.