LES FORTS MILITAIRES
de la vallée de l'Ubaye


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Pour comprendre le pourquoi et le comment de ces forts, il faut revenir loin en arrière et je vais essayer de le faire avec précision.

La vallée de l'Ubaye, vallée frontière, zone de passage entre Piémont et Val de Durance par les cols de Vars et de Larche, a vu passer et repasser au cours des siècles des envahisseurs et des armées, et à chaque passage, elle a eu son lot de destructions, incendies, pillages...
François 1er, le connétable Lesdiguières, Vauban, Haxo, Séré de Rivières et plus près de nous André Maginot ont constitué en Ubaye un patrimoine militaire très varié et très important: églises fortifiées, remparts de Barcelonnette, redoutes, castellets... Malheureusement une grande partie de ces constructions a disparu, détruit par les assauts du temps et les aléas de l'histoire. Nous allons essayer de voir ce qu'il en reste de nos jours.
Très bien placé, le plateau du village de Tournoux (entre la Condamine et St Paul sur Ubaye) commande le passage de cette voie naturelle sur près de 4 km.
Déjà dans l'antiquité, ce plateau surplombant l'Ubaye est reconnu comme parfaitement adapté à l'établissement d'un camp militaire. Le mot "Tournoux" viendrait (?) d'un général romain "Turnus" envoyé dans les alpes 219 av.JC pour s'opposer à un éventuel passage des troupes d'Hannibal.

Au moyen âge, dès 568, les Lombards franchissent les alpes et se répandent sur le versant gaulois. Ils seront repoussés en 571 par le petit fils de Clovis et leur défaite complète aurait eu lieu aux Gleizolles, au pied du plateau de Tournoux.

Puis se seront les Sarrasins qui arrivent, chassés par Charles Martel vers 742 aidé par les Lombards! qui reviennent avant d'être éconduits en 754 par Pépin le Bref.

En 942 retour des Sarrasins chassés en 972 par un représentant du roi de Bourgogne, récompensé de son succès par l'octroi des terres libérées. Il serait à l'origine de la famille des comtes de Provence; c'est ainsi que la vallée est rattachée à la Provence.

En 1231, fondation de Barcelonnette, ville géométrique entourée de murailles avec 22 tours et 4 portes. Ces fortifications ainsi que celles d'églises ou bâtisses fortifiées disparaîtront au XVe siècle.

En 1388, refusant un nouvel impôt du comte de Provence, l'Ubaye obtient son rattachement à la Savoie.

La guerre de cent ans passe et ne concerne pas la vallée.

François 1er passe le 8 août 1515 par le col de Vars, le plateau de Tournoux et le col de Larche avec une armée de 70000 hommes, 300 pièces d'artillerie, 25000 chevaux et mulets et surprend l'ennemi.

Le 14 septembre 1515 c'est la victoire de Marignan. François 1er annexe le milanais et occupe la vallée de Barcelonnette pendant 20 ans. Mais Charles Quint demande à François 1er de rentrer en France en 1536 et charge le duc de Montmorency de pratiquer la terre brûlée dans les régions abandonnées pouvant servir de transit à l'empereur d'Allemagne. La vallée est complètement ravagée.

En 1538 la trêve de Nice rend la vallée à la Provence, mais le traité de Cateau-Cambrésis de 1559 la rétrocède à la Savoie. La vallée va servir de refuge pendant les guerres de religion. Ensuite les Piémontais et Français occupent alternativement la vallée jusqu'en 1591.

Des traces ont été laissées par le connétable français Lesdiguières lors de ses passages successifs: l'église fortifiée de Saint Paul détruite au canon, les fortifications de Barcelonnette rasées et la vallée complètement dévastée.
Elle le sera encore en 1628 sous Louis XIII.

Le traité de Cherasco de 1631 ramène la paix jusqu'en 1691. Puis de nouveau, la vallée renoue avec le passage des armées et son cortège de réquisitions et de destructions.

Victor Amédée II, duc de Savoie, reprend en sens inverse l'idée de François Ier, en 1692 il part de Cuneo passe à Larche, Tournoux et Vars, prend Guillestre, Embrun, Gap et dévaste le pays. Pour Louis XIV l'alerte a été chaude et l'intérêt stratégique de la vallée de l'Ubaye est démontré.

Il envoie le maréchal de Vauban qui décide de se prémunir contre la vallée en lançant la construction des places fortes de Montdauphin (près de Guillestre) Saint Vincent les Forts, Seyne, Colmars et Entrevaux.

Le roi fait occuper l'Ubaye par le maréchal de Catinat qui charge son "sapeur" l'ingénieur Richerand de l'organisation défensive de la vallée. Son projet est trop ambitieux, le roi n'accorde pas suffisamment de crédit et les réalisations se résument au retranchement autour du plateau de Tounoux, la construction de redoutes, la fortification de l'église de Larche et l'aménagement d'un chemin de Tournoux à Embrun par le col de Parpaillon (chemin resté intact aujourd'hui).

En 1697, l'Ubaye retourne à la Savoie par le traité de Turin.

Dès le début de la guerre de succession d'Espagne en 1707, Louis XIV s'empresse d'occuper la vallée, le maréchal de Berwick aménage le plateau de Tournoux où en 1709 stationnent 6000 hommes.

Ces troupes en 1710 repousseront le comte de Thaun qui essaie de rééditer l'expédition de 1692 (celle de Victor Amédée II).

En 1713 traité d'Utrech, le maréchal de Berwick réussit à convaincre Louis XIV de l'intérêt stratégique de la vallée qui devient définitivement française.

Plus tard en 1744 le prince de Conti (guerre de succession d'Autriche), le général Kellerman en 1792 et Bonaparte pendant les campagnes d'Italie confirmeront l'analyse de Berwick et utiliseront l'Ubaye et Tournoux comme base arrière.

Aucune fortification importante n'a encore été édifiée au début du 19me siècle, seules des redoutes avaient été décidées par Catinat (une est encore visible aux Gleizolles sur le CD 902) et reconstruites par Berwick.


La redoute Berwick

En 1826, le général de Fleury s'inquiète que rien n'est encore fait pour assurer la défense de la vallée.
Il faudra attendre 1836 pour que le général Haxo, inspecteur général des fortifications décide la construction d'un fort à Tournoux. L'acte de naissance est signé le 28 juin 1837.
Les travaux commencés en 1843 se termineront pratiquement en 1865.

L'ouvrage interdit à tout assaillant les routes de Vars, Larche et Barcelonnette car il est placé au confluent de l'Ubaye et de l'Ubayette.

Mais les progrès de l'artillerie, les enseignements de la guerre de 1870 montrent les faiblesses de l'ouvrage.

Le général Séré de Rivières prescrit la construction de nombreux ouvrages: Batterie du Serre de l'Aut et du clos des Caurres au dessus du fort, de Viraysse (2772m d'altitude) et de Mallemort à l'aplomb de la frontière, redoutes de Roche la Croix (inférieure et supérieure) dominant Meyronnes et l'Ubayette, de Cuguret au dessus de Jausiers.

Pour parfaire la défense et créer un second verrou fortifié, le fort de Saint Vincent est complété par la redoute de Chaudon et les batteries du Chatelard, de la Tour et du Col Bas. Cette dernière est construite sur la crête de Dormillouse à 2505 m d'altitude.

Tout cet ensemble est complété par des tours de guet, des relais optiques, des abris fortifiés et entre 1897 et 1904 par les ouvrages de la Haute Tinée: camp de Restefond, des Fourches et ses fortins.

Toutes les routes et chemins nécessaires à la construction ou à l'usage de ces ouvrages sont toujours utilisés aujourd'hui: route et tunnel du Parpaillon, route du col de Restefond, de la Moutière, de la Cayolle, chemin horizontal...

Pendant plus de 50 ans les ouvriers civils et militaires travaillant sur les chantiers ont créé une certaine animation dans la vallée.

En 1915 l'Italie entre en guerre à nos côtés et la vallée offre moins d'intérêt stratégique jusqu'au changement de régime et les revendications du Duce. De plus les progrès de l'artillerie durant la guerre de 14-18 conduisent les états majors à revoir complètement la conception des fortifications.

Après les premières études en 1925, en 1929 André Maginot, ministre de la guerre, fait voter le programme qui porte son nom. Contrairement à ce que beaucoup s'imagine, la ligne Maginot part des Ardennes et descend jusqu'à la Méditerranée et on sera surpris de savoir que le 1er coup de pioche d'un ouvrage de la ligne Maginot a été donné non pas dans le nord est, mais dans les Alpes Maritimes au fort de Rimplas.

En Ubaye, pour interdire le débouché du col de Larche à l'artillerie et aux blindés, le débordement par le nord ou le sud du verrou mis en place à hauteur de Meyronnes, on crée une position de résistance avec des ouvrages modernes très protégés:
- Le fort de Roche la Croix (décrit plus loin)
- L'ouvrage de Saint Ours Haut (décrit plus loin)
- Le petit ouvrage de Saint Ours bas
- L'ouvrage de Plate Lombarde
- Le petit ouvrage des Granges Communes
- L'ouvrage de Restefond (pas terminé en 1940)
- Le petit ouvrage de la Moutière
ainsi que les avant-postes de Viraysse, de Larche, du Pra et des Fourches (ces 2 dans la haute Tinée).


Cloche cuirassée (ouvrage de Larche)

Souvent creusés dans le roc, bénéficiant de béton armé et de cuirassements en acier, ces ouvrages sont parmi les meilleurs de la ligne Maginot.

Le fort de Roche la Croix
Situé sur la commune de Meyronnes, le fort est construit sur un éperon rocheux. On y accède par une route de 7 km, depuis le CD 900. Cette route avait été tracée pour la construction des 2 redoutes en 1884-1889. Elle a été améliorée pour pouvoir monter de gros cuirassements lourds et encombrants.

Pour les besoins de la construction, le téléphérique qui desservait l'ancienne redoute entre fort et village de Meyronnes a été remis en service. Démonté à la fin des travaux, il a été remplacé par un autre plus à l'abri des vues ennemies qui part des Gleizolles. A l'arrivée située à 800m de l'entrée du fort, un petit train à voie de 60 cm amenait le matériel.

Les pierres de l'ancienne redoute ont servi pour construire le casernement extérieur.

Commencé en 1932, il était pratiquement terminé en 1940; l'ouvrage de 150 m sur 95 m est entièrement souterrain à 15 m de profondeur. Le casernement extérieur comportait 3 bâtiments aujourd'hui en ruines.

Comme tous les forts Maginot, seuls sont visibles les 6 blocs de combat. Le fort est divisé en 3 zones: entrée, zone de vie, zone de combat, séparées par des sas. Il y avait 161 hommes dont 6 officiers et 28 sous officiers.

Cantonnés à l'extérieur en temps de paix, les hommes menaient une vie de "sous mariniers" dès le fort occupé. Ils étaient divisés en 3 équipes: une de veille au poste de combat, une de piquet en attente et une de repos.

Zone entrée:
à l'arrivée de la voie du train, une double porte blindée, défendue par 2 fusils mitrailleurs (bloc 1); à l'intérieur un pan incliné pour descendre les wagonnets (par treuil électrique) jusqu'à la galerie centrale.

Zone de vie:
elle comprend l'infirmerie, les chambres (pour 12 officiers) de 18, 24 ou 36 lits métalliques sur 3 niveaux, les sanitaires (1 douche pour 100 hommes et 1 robinet pour 12 !), les W-C (1 pour 40), la cuisine,pas de réfectoire on mange sur le lieu de travail ou dans la galerie principale. L'eau ( pompée) provient d'une source dans le vallon de Seguret (à côté du fort).
L'électricité est fournie en temps de paix par une ligne aérienne depuis Meyronnes mais pour assurer son autonomie (3 mois) par une centrale électrique intérieure (3 groupes électrogènes diesel).
La température ambiante étant de 10 à 12 degrés, le chauffage est réalisé par radiateurs électriques, sauf dans la galerie.
Pour la ventilation il y a 2 régimes:
air pur: normalement utilisé, l'air est aspiré de l'extérieur et brassé dedans par les groupes de ventilation.
Air gazé: les portes étanches fermées, l'intérieur est mis en surpression pour éviter l'entrée de gaz de combat et l'évacuation de l'oxyde de carbone dégagé par les tirs.

Zone de combat divisée en 6 blocs:
-le bloc 1 à l'entrée
-les blocs 2 et 3 chacun avec 2 FM et 1 mortier de 50 m/m pour la sécurité rapprochée.
-le bloc 4 est composé d'une tourelle à éclipse armée de 2 canons obusiers de 75 m/m et de 2 cloches cuirassées (30 cm d'épaisseur, 22 tonnes, 1,20 m de diamètre intérieur) une d'observation avec périscope et une FM armée d'un fusil mitrailleur. L'ensemble comportant la tourelle à éclipse a 12 m de haut, pèse 265 tonnes dont 130 de parties mobiles parfaitement équilibrées par un contrepoids de 18 tonnes accroché à un bras de levier de 4,50 m.
La tourelle protégée par une coupole d'acier de 350 m/m d'épaisseur, de 4 m de diamètre, pesant 30 tonnes se relève de 50 cm en position de tir. Tout est manoeuvré électriquement mais peut l'être manuellement en cas de défaillance électrique.
-Le bloc 5 est la raison d'être du fort. Il abrite l'armement principal du fort: soutes à munitions et ateliers de préparation. Il comprend les P.C. de tir, un pour chaque type de matériel et 2 mortiers de 75 avec des goulottes à grenades.
-Le bloc 6, destiné a recevoir des projecteurs qui n'ont jamais été installés, est équipé d'une cloche d'observation et d'un mortier lance grenades de 50 m/m.


La coupole de la tourelle à éclipse

En juin 1940, le fort connait le baptême du feu et remplit parfaitement sa mission. Jusqu'à l'armistice du 25 juin il a empêché l'assaillant d'approcher les lignes de défense.

En Ubaye, la ligne Maginot a parfaitement joué son rôle. De 1940 à 1945 Roche la Croix est occupé par les italiens puis par les allemands. Il sera repris par les alliés le 22 avril 1945.

Petite anecdote:
en abandonnant le fort à l'adversaire après l'armistice, son équipage avait pris soin de le neutraliser en enlevant certaines pièces vitales.
Ainsi plus de lumière, ni de ventilation à 15 mètres sous terre! La tourelle à éclipse avait été elle aussi mise hors service.
En avril 1945, l'artillerie alliée aura plus facilement raison des fusiliers allemands retranchés dans le fort car ils étaient exposés aux effets irritants de la fumée des obus à phosphore faute de ...ventilation.


Le fort du haut de Saint Ours

Comme son vis à vis, le fort du haut de Saint Ours est situé sur la commune de Meyronnes, en aplomb du ravin du Pinet. Il assure le flanquement de Roche la Croix.

La piste empierrée qui part du village de St Ours dessert le fort (à 1 km) et le petit ouvrage associé du nord-est de St Ours (équipage de 57 hommes, 2 fusils mitrailleurs, une cloche GFM). Cet ouvrage abrite aujourd'hui un appareillage d'enregistrement sismique du CNRS.

La route de St Ours dessert un autre ouvrage associé dit du nord-ouest de Fontvive, identique au précédent.

Entièrement souterrain (entre 15 et 20 mètres) le fort est desservi par 2 grandes galeries: 1 de 57 m dans la zone de vie de 1800 m2, la 2me de 85 m pour atteindre le bloc le plus éloigné (le 5).

Moins puissamment armé que Roche la Croix car ouvrage d'infanterie, il dispose de 5 blocs de combat, de 5 cloches cuirassées, 4 mortiers de 81 mm et 1 de 75 mm plus 4 créneaux de mitrailleuses jumelées.

232 hommes et 11 officiers pour le fort plus les équipages des ouvrages associés, c'est au total plus de 350 hommes en position à Saint Ours.

L'entrée
est du type entrée mixte avec hall de déchargement (camions et mulets) fermé par un pont levis "à bascule en dessous" à côté duquel se trouve l'entrée des hommes avec passerelle mobile.
Il y a également un poste de transformation électrique (pour l'alimentation sur le réseau extérieur) et le système de chariots et pan incliné pour transporter vivres et munitions vers les galeries 20 mètres plus bas.

Zone de vie
Comme à Roche la Croix une galerie dessert d'un côté: cuisine, réserve d'eau ,chambres (3 étages de lits métalliques, 30 hommes par chambre), infirmerie et de l'autre côté: centrale électrique, salle des filtres, sanitaires. L'installation générale est pratiquement identique à Roche le Croix.

Zone de combat
- le bloc 1 à l'entrée possède 2 cloches cuirassées, dont 1 avec lance grenades et un créneau armé d'un jumelage de mitrailleurs de 7,5 mm.
- le bloc 2 est armé de 2 mortiers de 81 mm, 1 de 75 mm, 1 de 50 mm et d'un jumelage de mitrailleurs de 7,5 mm.
- les blocs 3 et 4 ont chacun 1 cloche GFM, donc armé d'un fusil mitrailleur.
- le bloc 5 est accessible par la galerie de 85 m au départ de laquelle on trouve le poste de commandement, le service de renseignements, les liaisons avec les ouvrages voisins et les observatoires. Il est armé de 2 mortiers de 81 mm, de 3 créneaux à jumelage de mitrailleurs, d'un créneau lance grenade de 50 mm et d'une cloche GFM.

Comme Roche la Croix, l'ouvrage sera occupé successivement par les italiens et les allemands de 1940 à 1945 et sera repris par les alliés le 23 juin 1945.

Le petit ouvrage de Saint Ours bas, construit en même temps, en bordure de la route nationale participe à l'interdiction de la voie venant de Larche. Il est armé de 8 fusils mitrailleurs et 3 mitrailleuses servi par 66 hommes au total.
Il sera repris par les alliés le même jour.

L'entrée du Fort du haut de Saint Ours

L'entrée du bloc 2


Le fort de Tournoux

Il ne fait pas partie de la ligne Maginot, mais comme on l'a vu dans l'historique, le plateau de Tournoux a été depuis toujours une position stratégique.

Dès 1709, le maréchal de Berwick reçoit quelques crédits et aménage des retranchements, achève la construction de redoutes, élargit et améliore routes et chemins.

La population est fortement mise à contribution et les réquisitions pleuvent: main d'oeuvre sur les chantiers, matériaux, bois, vivres, fourrage, hébergement etc. Sur le site campent jusqu'à 16 bataillons.

Le camp de Tournoux est utilisé dès 1744 à l'occasion de la guerre de succession d'Autriche.

Jusqu'à la Révolution, le plateau de Tournoux fera parler de lui. Une polémique s'engage: est-t-il nécessaire d'élever un fort à Tournoux compte tenu des frais engagés pour construire Montdauphin? D'autre part si on fait d'importants travaux à Tournoux, la route de la vallée au niveau du Lauzet doit être améliorée (suppression des fameux tourniquets - voir la page déplacements en Ubaye) mais elle deviendra alors une voie d'invasion facile.

Le déclenchement de la Révolution s'il étouffe les polémiques, remet Tournoux à l'ordre du jour et en 1792 le général Kellerman y fait stationner 10 bataillons.

Pendant les campagnes du Ier empire, le plateau sert de camp de base pour les opérations vers le Piémont et dès 1801 d'autres redoutes s'ajoutent à celles de Berwick. Les ruines de 2 d'entre elles sont encore visibles à l'est du village de Tournoux sur l'ancien chemin de St Paul.

Le général Haxo, inspecteur des fortifications, décide la construction d'un fort le 28 juin 1837.

Un premier projet fin 1839 est établi avec un devis estimatif de 1.896.000 francs, mais la loi du 29 juin 1841 n'accordera que 1.500.000 fr. Le projet est prévu pour 1500 hommes, avec une enceinte bastionnée de 1200 à 1400 mètres, complété par une redoute pentagonale de 40 m de côté sur la rive gauche de l'Ubaye au confluent de l'Ubayette.

Comme souvent les moyens sont très en retard sur les décisions.

Le conseil général est intéressé par la construction du fort, les travaux d'une telle importance étant une source d'activités et de richesses supplémentaires pour la vallée. Il insistera sans cesse pour réclamer la construction qui par ricochet permettra de réaliser une liaison facile Digne-Piémont par Barcelonnette (en supprimant les fameux tourniquets!).

En 1842 traçant sur le terrain le projet initial, il faut le modifier. Il empiète sur une carrière d'ardoises et les premiers sondages font apparaître des couches sédimentaires très instables.

1843, les conseillers généraux s'impatientent. Ils ne voient rien sortir de terre. Un nouveau projet est établi en 1844, qui sera modifié en 1845.

En 1846 un glissement de terrain remet en question le tracé du fort; les travaux sont ralentis. Nouveau glissement de terrain en 1847. En février 1848 arrêt des travaux jusqu'en septembre .

En 1849 la construction reprend sérieusement sur un projet très proche du tracé actuel. 1500 personnes travaillent sur le chantier.

En 1852 les dépenses effectuées s'élèvent à 1.157.000 fr, les travaux restant à faire à 615.000 fr soit au total 1.772.000 fr au lieu des 1.500.000 fr alloués. Pour faire des économies on fera des modifications.

La batterie B12 qui devait être un ouvrage important destiné à verrouiller la vallée est définitivement restreint, le fossé assurant la fermeture entre le fort moyen et la batterie est abandonné, la liaison entre les 2 ouvrages assuré par les escaliers sous roc que nous connaissons aujourd'hui.

Les soutes à munitions doivent contenir 165 tonnes de poudre, les réserves doivent pourvoir à l'approvisionnement d'un corps d'armée de 12000 hommes.

En 1865 on peut considérer le fort comme à peu près terminé; mais la facture est lourde, 1.500.000 francs avaient été alloués et en 1864 les dépenses se chiffraient à 2.760.000 francs alors qu'il manquait encore 150.000 francs pour terminer le fort en 1865!

En 1873 le fort reçoit ses premiers occupants, qui délaissent les lieux en hiver.
Jusqu'en décembre 1887 se succèdent différentes unités.

Les progrès de l'artillerie sont importants; on décide de construire de 1879 à 1883 2 lignes de batteries au clos des Caurres à 1750 m d'altitude.
Simultanément de 1880 à 1885 est entreprise la construction de la batterie détachée de Vallon Claous (face à St Paul). Cette batterie (2 positions de 3 pièces) comprend une casemate logement pour 48 hommes, un casernement extérieur de 75 hommes, une poudrière sous roc, des magasins et locaux divers.

Au dessus de la batterie entre 2130 m et 2276 m d'altitude, 4 tours crénelées sont construites. Tous ces bâtiments sont aujourd'hui propriété privée .

Après une pause de quelques années, de 1890 à 1893 les travaux reprennent:
- édification du petit ouvrage du Serre de l'Aut (2000 m d'altitude) pour 48 hommes (2 canons de 95 et un poste optique).
- Amélioration de la batterie des Caurres.
- Tour de surveillance au poste du Serre de l'Aut (pour 6 à 8 hommes).
- Bâtiments de la caserne Pellegrin au bord de l'Ubaye.
- A la Condamine: un parc du génie et l'infirmerie-hôpital.
Un téléphérique relie la caserne Pellegrin au fort.

En cette fin de siècle, le fort de Tournoux est considéré comme terminé et présente sa physionomie actuelle.

En 1913-1914 nouveaux travaux dans le fort: pose de grilles défensives, mur de soutènement etc...et à la batterie des Caurres début de construction d'une casemate pour 2 canons et d'une casemate logement pour 650 hommes et 7 officiers qui resteront inachevées.

Au pied du fort un blockhaus en béton reçoit 2 canons pour interdire le débouché de l'Ubayette par des feux rasants.

Le fort n'est pas concerné par la "grande guerre". Il abrite en 1915-1916 une "université serbe" 200 réfugiés qui se forment militairement avant d'aller combattre, puis des prisonniers allemands.

A la fin de la guerre installation des chasseurs alpins.

En 1926 ultime modification de la casemate de la batterie des Caurres pour recevoir 2 canons de 75 mm.

L'évolution de l'artillerie et la terrible augmentation de puissance des projectiles vont conduire dès 1931 à l'édification de la ligne Maginot, qui enterre matériels et personnels en les protégeant par des cuirasses de plusieurs mètres de béton, rendant caduques les installations du fort de Tournoux.

En 39-40 le fort abrite le PC du 83e B.A.F. (Bataillon Alpin de Forteresse). Il reçoit un importants dépôt de munitions. Au moment de l'armistice la batterie des Caurres aura tiré près de 500 coups.

Le fort sera évacué par la convention d'armistice, puis occupé par les troupes italiennes et allemandes.

En août 1944 les résistants ubayens libèrent la vallée mais n'ayant pas reçu à temps le renfort des alliés, ils doivent laisser l'Ubayette (les forts de Roche la Croix et Saint Ours) aux forces ennemies; le fort se retrouve en 1re ligne.

La 6e compagnie du II/99e RIA y est cantonnée et tient tout l'hiver 1944-1945 dans des conditions précaires et maintient l'ennemi dans ses positions.

A la fin des hostilités, quelques détachements de tirailleurs algériens et marocains y tiennent garnison.

Dès 1948 le fort n'est plus occupé; seul un dépôt de munitions subsistera juqu'en 1987.

Sa vie militaire aura duré 150 ans.

Le fort de Tournoux


Autre vue du fort

Toute cette documentation sur les forts est tirée de 2 ouvrages de Bernard Morel et Gérard Lesueur édités par l'association "Sabença de la Valeia" (connaissance de la vallée)
.
Cette association culturelle a pour objet la recherche, l'étude et la diffusion de tout ce qui concerne la vallée. Son siège est à la mairie de Barcelonnette.

D'autre part l'association des Fortifications de l'Ubaye unit les efforts de la Communauté de Communes (propriétaire des forts) et de Sabença de la Valeia pour faire connaitre, protéger et gérer ce patrimoine militaire. Son siège est à La Maison de la Vallée 4 rue des 3 frères Arnaud 04400 Barcelonnette.

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