Les GLACIERS en UBAYE


On pourrait croire que vu la situation très méridionale de la vallée de l'Ubaye il est hors de question de trouver des glaciers. Et pourtant...

Pour comprendre l'évolution glaciaire des alpes du sud, il faut remonter les siècles.
On va d'abord résumer les différentes périodes;
par convention l'année de base est 1950. Tout ce qui est avant est "BP" (before present).

A partir de 115.000 BP nous avons une période devenant de plus en plus froide "le Würm", suivi du "Pleniwürm" qui va s'étaler jusqu'à 15.000 BP avec un refroidissement progressif: températures moyennes inférieures de 10 à 12°C de l'actuel.

Suit une période "Tardiglaciaire" de réchauffement progressif de 15.000 à 11.000 BP, suivie d'un refroidissement de 11.000 à 10.300 BP "le Dryas récent" avec des températures moyennes inférieures de 3 à 5°C de l'actuel.

Vient ensuite la période "Holocène". De 10.300 à 4.700 BP réchauffement avec un maximum thermique vers 8.800 BP, avec des étés très humides.
De 4.700 à 2.800 BP période assez chaude, suivie d'un maximum thermique vers l'an mil et d'une période romaine assez chaude, les glaciers devenant pratiquement inexistants.

De 1350 à 1850 époque dite du "Petit âge de glace" tous les glaciers alpins sont en crue majeure. Ce "petit âge de glace" est directement à l'origine des glaciers contemporains.
Nous n'avons aucune information précisant le début du retrait glaciaire qui marque la fin du "petit âge de glace".
Mais à partir de 1850 les glaciers sont en décrue et n'atteindront plus jamais leur extension du "petit âge de glace".

De 1855 à 1860 les températures d'été sont en hausse avec des précipitations hivernales déficitaires; cette période est défavorable aux glaciers.

De 1880 à 1890 brutal et court refroidissement.

Entre 1890 et 1910 la température moyenne est normale avec des hivers secs.

De 1910 à 1925 très fort refroidissement estival depuis l'année 1760 (au coeur même du "petit âge de glace) et légère hausse (15%) des précipitations hivernales, c'est la période la plus favorable depuis le début du grand recul.

A partir de 1930 très net réchauffement estival qui culmine entre 1945 et 1950 (étés brûlants en 1947, 1949, 1950) avec des hivers secs.

Succède des années de refroidissement estival, surtout en 1977 et 1978, mais le bénéfice attendu au niveau des glaciers est contrecarré par une faiblesse des précipitations hivernales.

Depuis 1980, on constate une forte et constante remontée des températures doublée d'un déficit hivernal important; c'est une évolution défavorable au maintien des glaciers.

Les glaciers de l'Ubaye qui couvraient 164 ha au sortir du "petit âge de glace" ont moins de 70 ha aujourd'hui.

Aucune description antérieure à la fin du XIXe siècle ne concerne les glaciers de la vallée.

Au "Pléniwürm" (environ 20.000 ans) période donc de froid maximal, la vallée de l'Ubaye est occupée par un glacier de 65 km de long qui rejoint celui de la Durance à Serre Ponçon et dont le front s'avance presque jusqu'à Sisteron. Au niveau de Barcelonnette il a 600 mètres d'épaisseur.

Quand le "Wûrm" s'achève, il y a 15.000 ans, les glaciers reculent, c'est le début du "Tardiglaciaire", le glacier de l'Ubaye se fractionne en plusieurs langues disjointes: glacier du Bachelard, de Restefond, du Vallonet, de Fouillouse...

Le glacier de l'Ubayette s'arrête au débouché du Vallon du Lauzanier.
En haute Ubaye une langue de glace s'écoule dans le vallon de Mary jusqu'aux abords de Maljasset.

De 13.500 à 11.000 BP le climat pratiquement identique à l'actuel permet aux forêts de conquérir les vallées.
Suit la période de refroidissement du "Dryas récent" (11.000 à 10.300 BP) qui permet aux glaciers de s'avancer dans les vallons.

Mais à partir de 10.300 BP la période "Holocène" débute et se poursuit aujourd'hui. Avec cette poussée chaude vers 8.000-6.000 BP, il est possible que tous les glaciers de l'Ubaye aient totalement fondu. Ce qui accrédite l'idée que les glaciers actuels ne descendraient pas en ligne directe du "Würm" mais du "petit âge de glace".

Les glaciers de l'Ubaye aujourd'hui:
Noms surface hectares longueur mètres largeur. mètres altitude maxi
Loup 4.5 325 200 3100
Marinet W 20 650 420 3010
Marinet E 6.5 270 350 2940
Fond de Chauvet 15 830 200 3160
Pointe Chauvet 5 220 250 3210
Brec Chambeyron 205 150 180 2960
Sautron 4 225 200 2970
La Blanche 4 220 200 2780


Le glacier du Marinet occidental

Un glacier oublié ?
Celui du Loup qui ne figure sur aucune carte IGN mais qui existe toujours.
Un glacier qui disparait petit à petit sous les débris rocheux ?
Celui de la Blanche (au Laverq).
Le glacier le plus haut ?
Celui de la pointe Chauvet qui malgré une forte diminution a encore une dizaine de mètres d'épaisseur.
Le plus difficile d'accès ?
Celui de Fond de Chauvet, dangereux et malaisé à atteindre et dont la particularité est des vidanges formant des crues brutales des eaux de fusion glaciaire qui dévastent périodiquement le vallon de Chauvet.
Les glaciers les plus étudiés ?
Ceux du Marinet, à partir de 1893 par des relevés photographiques et jusqu'à aujourd'hui par des sondages radar qui donnent 80 à 100 mètres d'épaisseur de glace dans la partie supérieure pour le Marinet occidental qui demeure le seul glacier pleinement actif de toutes les alpes du sud françaises et italiennes.
En 1994 avec un été très chaud, la perte moyenne de glace au Marinet occidental a été de 1,17 m/m2 ce qui correspond à la fusion de 235.000 m3 d'eau, soit un amaigrissement du glacier de 235.000 tonnes!

Les glaciers rocheux
Il ne faut pas oublier les glaciers rocheux de l'Ubaye.. Ce sont des glaciers où on ne voit pas de glace car elle est enfouie, soit pure, soit mélangée avec des blocs rocheux, sous plusieurs mètres de débris rocheux.

L'origine de cette glace interne fait l'objet d'un vif débat:
- pour les uns ce serait une glace abandonnée par un glacier en recul et complètement enfouie sous les débris rocheux.
- pour d'autres se serait un genre de pergélisol, terrain gelé en permanence, identique à celui rencontré dans le grand nord; car en certains endroits au pied des parois au nord en haute montagne, la température moyenne est de l'ordre de - 2°C et le sol en profondeur est constamment gelé.

Voici quelques glaciers rocheux faciles d'accès:

celui du Loup:
500 m de longueur et 250 m de largeur au dessus du lac du Loup lequel est alimenté par plusieurs sources jaillissant du glacier. Il est animé d'un mouvement de 13 cm par an et serait actif depuis 2300 ans.
Glaciers rocheux du Pelat et du Trou de l'Aigle:(vallon de la gde Cayolle)
Pour celui du Pelat la glace se trouve à 1,5 m de profondeur et sur environ 30 m d'épaisseur. Il en surgit plusieurs sources alimentant des petits lacs plus ou moins permanents.
A partit du sommet du Trou de l'Aigle (2961 m) un beau glacier rocheux de 400 m de long avec dans la partie supérieure une épaisseur de 40 à 60 m de matériaux très riches en glace.
Glacier rocheux du Chambeyron
dominant le lac Long il a 350 m de long pour 500 m de large. Actuellement immobilisé cette situation ne veut pas dire absence de glace; car c'est celui qui contient la plus grande quantité de glace assez pure de tous les glaciers rocheux sondés en Ubaye et ce sur 80 à 100 m d'épaisseur à partir de 3 m de profondeur.
Glaciers rocheux de Marinet
Les vallons de Mary et de Marinet renferment un grand nombre de glaciers rocheux.
Au dessus des lacs du Roure il y a tout un ensemble de petits glaciers rocheux.
Le glacier rocheux oriental du Marinet a une forte proportion de glace sur 25 m d'épaisseur sous 5 m de blocs rocheux.
Le glacier occidental à 750 m de long et un noyau de glace assez pure de 30 à 40 m d'épaisseur sous 2 m de blocaille.
La fonte de cette glace est à l'origine de la source très froide et très claire qui jaillit au pied du front glaciaire.

Les 34 glaciers rocheux de l'Ubaye pourrait contenir environ 17 millions de mètres cubes de glace enfouie, soit plus que le volume de glace constituant les 8 glaciers ubayens (15 millions dont 43 pour cent pour le seul glacier de Marinet occidental).


Le glacier rocheux du Marinet


Autre vue du glacier rocheux du Marinet
prise du haut de l'aiguille du Chambeyron
par Mr Matthieu Evrard le 18/07/2000


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